28/01/2012

Le plan "WaB" ou pourquoi il faut effectivement écouter Marcourt...

Jean-Claude Marcourt a créé le buzz autour du plan "W" et de son concept de construction/déconstruction de la Fédération WalloBrux, ce "machin" inefficace selon de nombreux observateurs.
Pas peu fier de son petit effet, après avoir dit qu'il ne ferait plus aucun commentaire sur ce le sujet, une semaine plus tard, il ramène la discussion sur le tapis en tapant une nouvelle fois sur le clou... accompagnée d'une pseudo-menace lourde de sens "... et je ne suis pas le seul à y penser...".
Panique au Boulevard de l'Empereur... Cacophonie à tous les étages : Di Rupo se tait, Demotte part à 180°, Picqué la joue Pacificateur...
Mais au fond, peu importe la couleur politique... Il y a en Wallonie, depuis toujours, de très nombreux régionalistes. Tant au Cdh, qu'au PS, qu'au MR ou chez Ecolo (mais on ne les entend pas...). Tout comme il y a tout autant de partisans d'une Commaunauté Francophone, "nécessaire lien de solidarité entre les Wallons et les Bruxellois"... Soit, on le voit, la question divise.


On peut certes s'interroger sur le bien-fondé de remettre une couche sur le communautaire alors que le pays fait face à une situation socio-économique et  budgétaire critique (et on ne nous dit pas tout : le prochain contrôle budgétaire sera violent...). Mais il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt : tout le monde sait que le plus dur est non pas derrière, mais devant nous : les Communales de 2012, les Fédérales de 2014 vont sans doute renforcer et rendre définitivement incontournable la NV-a et ses revendications nationalistes. Il sera alors probablement trop tard pour essayer d'éviter une crise plus profonde encore que celle que nous venons de traverser pendant près de 500 jours. Et il faut donc se préparer à construire une autre Belgique.


Cette autre Belgique, Marcourt l'a bien compris, elle ne peut se construire que sur une Fédération des Régions, seul niveau de pouvoir à même de fédérer les compétences économiques, territoriales et culturelles de manière cohérente. Tout autre modèle, notamment l'actuel dominé par les Communautés est voué à un équilibre instable. Et l'Univers et ses lois thermodynamiques détestent l'instabilité...
Je vous renvoie d'ailleurs à l'excellent billet de Charles Bricman de cette semaine qui fait une brillante démonstration de ce vers quoi doit tendre la Belgique demain, à moins d'accepter le fait inéluctable que le pays se disloque sous la pression nationaliste flamande...


Là où Marcourt se plante, c'est qu'il faut non pas militer pour un plan "W", mais bien pour le plan "WaB" comme "Wallonia AND Brussels". La Flandre existe déjà : territorialement, culturellement, économiquement et politiquement. Mais elle ne peut pas s'émanciper unilatéralement de ce lien siamois avec la Région d'en face, car le cordon ombilical bruxellois semble à tous impossible à trancher.
Il faut dès lors construire une logique similaire pour la Wallonie et cela passe forcément par une réflexion cohérente et identique pour Bruxelles.
Le modèle à 3 régions (voire 4 avec la Région Germanophone), solidaires mais égales en droits et en devoirs est totalement crédible et réalisable. En simplifiant le modèle institutionnel belge, elle rapprochera le citoyen du politique. Elle permettra aussi de sérieuses économies d'échelle en évitant la juxtapposition et le dédoublement d'institutions incohérentes et non lisibles pour le citoyen lambda (la Belgique est le pays au sein de l'Union Européenne qui comporte le plus de mandataires publiques et fonctionnaires par habitant...). 


A ceux qui opposent (comme le FDF) que trancher le lien WalloBrux, c'est abandonner les francophones bruxellois à la domination flamande, je répondrai ceci : Bruxelles n'est ni wallonne, ni flamande, tout comme elle n'est (plus) francophone ou néerlandophone. Le Français comme "Lingua Franca" est très éloigné du Français comme "socle culturel commun". A Bruxelles, il n'y a plus que 40 % (donc une minorité au sens mathématique du terme) de familles 100 % francophones (c-a-d dont les deux parents sont historiquement francophones de "souche"). Les vagues de migration successives et l'internationalisation croissante de la ville en ont fait un creuset inter-culturel - je préfère ce terme à celui de multi-culturel : dans "inter" il y a cette notion d'échange et de croisement qui n'existe pas dans "multi"... Dans un cinéma "multiplexe", il y 10 salles qui chacune passent leur film dans leur langue dans leur salle. Dans un "interplexe" (tiens, faudrait penser au concept...), on verrait simultanément 1 film dans la même salle dans les 10 langues...)-.
Pourquoi dès lors vouloir à tout pris imposer à Bruxelles un "lien francophone" là où sa seule utilité serait de servir les intérêts de la Wallonie ? En vertu de quoi interdirions nous alors à la Flandre de faire de même et de créer sa "Vlaanderen-Brussel Vereniging" ? On le voit, WalloBrux est un concept créé à la hâte dans le seul but de se positionner face à la Flandre en revendiquant la main-mise sur Bruxelles "et ses 90 % de francophones"... dont on vient de voir qu'il ne correspond pas à la réalité de notre Région.


La régionalisation complète des compétences encore exercées par les Communautés est la seule voie "positive" et qui permettra de sortir par le haut de cette crise interminable, en réglant définitivement la question des compétences communautaires.
J'en veux pour preuve la problématique de l'enseignement : Marcourt plaide (à raison) pour une régionalisation de l'enseignement "car les situations, les besoins sont différents". C'est l'évidence !
Répondre au défi bruxellois des primo-arrivants à scolariser ou des populations déjà établies d'origine étrangère n'a aucune autre similitude avec ce qui peut exister comme défi dans l'enseignement en Wallonie. Comment croire que l'Enseignement puisse être unifié au sein d'une seule institution et d'une seule administration avec des défis aussi éloignés ?
Est-ce pour autant que brusquement le Français disparaîtrait du panorama bruxellois ? Bien sûr que non ! Mais régionaliser l'enseignement est indispensable pour faire face aux défis de la jeunesse bruxelloise et de son manque de formation adéquate pour réduire drastiquement le taux de chômage de ces jeunes, qui peut dépasser les 50 % chez les moins de 25 ans dans certains quartiers ou communes de notre région...


Voilà pourquoi effectivement il faut écouter ce que dit Jean-Claude Marcourt, mais surtout, démarrer cette réflexion au niveau de Bruxelles et des Bruxellois avant que, une fois de plus, d'autres ne décident pour nous...